Défendant son droit à la différence et animé par une profonde curiosité, Gide s’est très tôt affranchi du carcan familial pour partir à la découverte du monde. Au cours de la Grande Guerre, moment où il porte secours aux réfugiés de Belgique et du Nord de la France, il se trouve pour la première fois au contact de la misère humaine. Cette expérience lui permet de prendre conscience de ses privilèges et des responsabilités qu’ils entraînent. Au tournant des années vingt, il se sent dans l’obligation de parler et fait entendre sa voix, que ce soit pour promouvoir la réconciliation franco-allemande ou pour dénoncer les abus des compagnies concessionnaires en Afrique Équatoriale française. Une décennie plus tard, il ne craindra pas de pointer le doigt contre la Russie soviétique, racontant ce qu’il a vu dans des textes qui ont « la vertu des vérités qui gênent ». Contre toute forme d’oppression, inquiet et « inquiéteur », comme il aimait se définir, Gide s’est fait témoin et interprète de son temps, tout en demeurant toujours fidèle à lui-même.

Notre propos est de revenir sur les engagements d’un écrivain qui, à travers ses prises de parole publiques, ses récits et ses voyages – des profondeurs de l’Afrique jusqu’au pays des Soviets – a marqué le XXe siècle de son empreinte, préparant la voie à toute une génération d’intellectuels pour qui, comme a pu le dire Sartre, Gide a été un point de repère.

Notice bio-bibliographique

Docteure de l’Université de Bologne et de l’Université de Haute-Alsace, Paola Codazzi a soutenu en avril 2018 une thèse consacrée à André Gide, qui va bientôt paraître chez Droz (André Gide et la Grande Guerre. L’émergence d’un esprit européen). Ses publications portent notamment sur l’influence de l’écrivain en France et à l’étranger, et sur sa pensée d’une Europe en dialogue. En mars 2019, elle a organisé le colloque international « André Gide dans ses lettres » (Paris), dont la revue Épistolaire a publié les actes sous sa direction. Elle est actuellement post-doctorante à l’Université de Haute-Alsace (Mulhouse) et chargée de mission de la Fondation Catherine Gide.